On en jugea dans ce temps-là comme on en juge en celui-ci. Comme il est peu instruit, ses raisonnements sont frustes mais pleins de bon sens. », Dans sa Lettre sur les Observations d'une comédie du Sr de Molière intitulée Le Festin de Pierre, Jean Donneau de Visé, après avoir ironisé sur l'adresse du mystérieux « sieur de Rochemont » à dénombrer les vices de dom Juan, conclura : « Je ne crois pas avoir beaucoup de choses à répondre, quand j'aurai dit, après le plus grand monarque du monde, qu’il [dom Juan] n'est pas récompensé. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l’on apprend avec lui à devenir honnête homme. La mise en vers expurgée de Thomas Corneille, Le siècle des Lumières : entre le mépris et l'oubli, « La pièce, écrivent-ils, fut jugée irréligieuse, et ceux qui, sincèrement ou non, en portèrent ce jugement, se firent écouter : ces deux faits sont hors de doute, « On ne se sentit plus libre ni de la représenter, ni de l'imprimer, au moins tant que Molière vécut, « Je pourrois dire toutefois qu’il [le Roi] sçavoit bien ce qu’il faisait en laissant jouer le Festin de Pierre, qu'il ne vouloit pas que les Tartuffes eussent plus d’authorité que luy dans son Royaume », « quelle que soit la valeur de cette bienveillante remarque, il est probable qu'on n'aurait pas osé l'attribuer au Roi, s'il ne l'avait pas faite, « cette information [l'article de la Gazette] fait avancer de deux mois la date du 14 août habituellement retenue (d'après le Registre de La Grange) pour la promotion de la Troupe de Monsieur au rang de Troupe du Roi, « Le fait que la pièce n’ait été ni reprise ni éditée par Molière lui-même semble indiquer qu’il s’est trouvé en danger devant ces critiques, « L'abîme enflammé où dom Juan disparait au, « proscription qui, par ménagement pour Molière, resta clandestine, « Y a-t-il une école d'athéisme plus ouverte que le Festin de Pierre, où après avoir fait dire toutes les impiétés les plus horribles à un athée, qui a beaucoup d'esprit, l'auteur confie la cause de Dieu à un valet, à qui il fait dire, pour la soutenir, toutes les impertinences du monde, « Quelques personnes qui ont tout pouvoir sur moi », « à cause des grands désordres qui arrivaient tous les jours dans ces lieux-là », « [d']affirmer la fertilité du théâtre comme mimésis libératrice de la société laïque, « MM. Dom Juan et Sganarelle vont passer à table, quand la statue du commandeur apparaît, qui, sans s'asseoir ni manger, convie à son tour dom Juan à souper avec elle le lendemain. Enfin, on a pu voir dans dom Juan un révolté qui affronte Dieu sans jamais s'y soumettre. », y répond avec une belle assurance : « Molière voulut sans doute d'abord faire Don Juan tout à fait haïssable; mais à son insu même, dans plus d'un passage de son drame, au lieu d'être un impie sans croyance, don Juan devient un philosophe matérialiste, plein de foi au contraire, mais de foi dans les croyances qui seront la religion de l'avenir. Rien, dans cet avis, ne donne à penser que Wetstein disposait déjà de l'impression parisienne de 1682[av]. D'autres abondent dans ce sens, en soulignant les nombreuses ruptures de ton, et en montrant que les personnages semblent ne pas se prendre au sérieux et présentent des aspects contradictoires[144]. La statue du Commandeur, apparaissant et prenant acte de son refus de se repentir, lui saisit la main et le précipite dans les entrailles de la terre. Une première approche consiste à éclairer la pièce par la scène finale : pour que le châtiment de dom Juan soit justifié, il faut que la personnalité qui se dégage des cinq actes ait suscité l'indignation. Le 13 juin, alors que les Parisiens s'arrachent les Observations et que la querelle bat son plein, Louis XIV convie sa famille et sa cour au château de Saint-Germain-en-Laye, pour une grande fête quasi improvisée, qui se prolongera jusque tard la nuit. Le spectacle commence par une adresse au public, dans laquelle Sganarelle (rôle créé par Molière lui-même), ouvrant une parenthèse dans le dialogue où il était engagé avec Gusman, l'écuyer de done Elvire, prononce un éloge des vertus médicinales et sociales du tabac[ay],[az] : « Quoi que puisse dire Aristote[ba] et toute la philosophie, il n’est rien d’égal au tabac : c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre. Le public parisien découvre l'histoire de Don Juan avec le spectacle donné par les Italiens en 1657 ou 1658, dont l'existence n'est connue que par la référence qu'y fera Villiers dans l'épître dédicatoire[g] et l'avis au lecteur[h] de son propre Festin de Pierre.