Parce que, disait-il, les États vivent dans l’état de nature les uns par rapport aux autres. La guerre s’impose ainsi comme « la simple continuation de la politique par d’autres moyens [14] ». La déroute de l'armée française s'est accompagnée d'un refus des Etats-Unis de s'investir dans le conflit. Le 29 juillet, une note britannique fait connaître des propositions de négociations, après l'occupation de Belgrade, tout en faisant savoir que Londres s'engagerait dans le conflit en cas d'intervention directe du Reich et de la France. Aux yeux d'un certain nombre d'intellectuels, le déclenchement d'un conflit européen de grande ampleur sur l'échelle du continent européen ne constitue nullement une surprise[125], même si le premier conflit mondial se révèle être, pour la majorité des membres des classes d'âge destinées à être appelées sous les drapeaux, la première expérience belliqueuse[128]. Ces aspirations se formulent dans un premier temps par des théories racistes développées par l'ensemble des pangermanistes aussi bien dans le Reich que dans l'empire autrichien : ainsi, en 1905, Ernst Hasse, responsable de la ligue pangermaniste, définit l'expansion territoriale, européenne et extra-européenne, comme « nécessaire au développement d'un organisme vivant et sain »[132]. Cette augmentation massive des effectifs se traduit aussi par une augmentation rapide des budgets du ministère de la guerre : entre 1910 et 1914, le budget militaire du Reich est plus que doublé, passant de 205 à 442 millions de dollars[66]. Mais l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, les ambitions balkaniques austro-hongroises et la résistance serbe à ces pressions changent rapidement la donne à partir de 1903. Durant cette période, cependant, le gouvernement serbe multiplie les déclarations maladroites ou déplacées, assurant, par exemple, lors de la messe de requiem au représentant autrichien à Belgrade apporter à l'enquête le même soin que pour le meurtre d'un membre de la famille royale serbe, ce qui apparaît comme une provocation[12] ; ou encore développer, et laisser développer par la presse, la thèse de la légitime défense des Serbes face à la politique menée dans l'empire des Habsbourg[13]. L’importance de la grande stratégie [37] tient aux différents messages qu’elle délivre en un seul. Ainsi, au sein du Reich, un certain nombre de pamphlétaires nationalistes du début du XXe siècle tend, surtout à partir de la mise en application de l'Entente cordiale à opposer l'idéalisme des Allemands au matérialisme des Anglo-Saxons, le « héros » germanique s'opposant au « boutiquier » britannique[20]. Alors de quoi parlons-nous lorsque nous prononçons le mot « guerre » ? Ainsi en Colombie, au Liban ou en Afghanistan, le trafic de drogue constitue moins un facteur originel de la violence qu’un obstacle au retour à la paix. Pourtant les événements du 19e siècle invitaient à la réflexion autant qu’à la prudence à l’égard de toute démarche utopique, laquelle avait gagné la raison politique, parfois à son insu. ». En 1913, devant la perte d'influence générale du Reich en Europe, les hommes d'État allemands sont amenés à soutenir totalement et aveuglement leur allié autrichien dans sa politique balkanique : les dirigeants allemands, Guillaume II le premier, se voient obligés, alors que l'Autriche-Hongrie commence à se tourner vers l'Entente pour ses besoins de financement[40], de s'aligner totalement sur la politique de son entreprenant allié, comme l'affirme Guillaume II après son entretien avec Berchtold[41]. Aux termes de cette convention, la défense de la Manche et de la Mer du Nord est confiée à la Royal Navy tandis que la flotte française est déployée en priorité en Méditerranée : aux yeux du gouvernement britannique, toute menée offensive dans la Manche, comme toute offensive en Belgique, est alors considérée comme une déclaration de guerre. À partir du coup d'état qui porte au pouvoir la dynastie des Karageorgévitch représentée par Pierre Ier de Serbie, le gouvernement de Belgrade s'éloigne de la dépendance autrichienne. En dépit de leurs rivalités en Méditerranée, en Asie et en Europe, ces trois pays sont en effet inquiets devant la politique menée par Guillaume II et son gouvernement[51] (c'est d'ailleurs la loi militaire allemande de 1890, autant que le non-renouvellement de l'accord de 1887 qui pousse la Russie à se rapprocher de la France[52]).